Ce Plan vise tout particulièrement trois aires géographiques : l'Afrique, dont le texte propose de la transformer en premier continent fonctionnant à 100% aux énergies renouvelables d'ici à 2020 et de la doter d'un fonds de protection de ses forêts anciennes, doté de 7 milliards de dollars par an ; des actions en faveur de la conservation de l'eau et de lutte contre l'érosion des côtes sont également prévues ; le texte souligne que « les pays africains ont d'ores et déjà identifié des stratégies et des programmes en vue de réaliser ces attentes. Le résultat de leur travail montre un besoin de financement de l'ordre de 250 milliards de dollars pour l'énergie, 5 milliards pour la conservation des forêts et la reforestation, 50 milliards pour l'eau et l'érosion des côtes et des rivières, soit, au total, un peu plus de 300 milliards.» Deuxième aire géographique visée, les Etats insulaires vulnérables. Le Plan estime à 30 milliards de dollars le montant de la solidarité internationale nécessaire à la protection de ces populations. Troisième catégorie de pays : Afghanistan, Bangladesh, Bhutan, Birmanie, Cambodge, Laos, Maldives, Népal, Yemen. Ces neuf pays, dits «les moins avancés » (PMA), sont périodiquement affectés par des inondations, des cyclones violents et des sécheresses. Le plan met l'accent sur la protection des forêts de ces pays et sur l'amélioration de leur système énergétique. Le Fonds Justice Climat, pour ces pays, se monterait à quelque 75 milliards de dollars. Pour ces trois aires géographiques, le Plan Justice Climat mobiliserait un financement de 410 milliards de dollars répartis sur 20 ans, composés majoritairement de fonds publics internationaux, supervisés par les donneurs et les receveurs et additionnels à l'aide publique au développement.
Mobiliser des sources de financement innovantes
Des sources de financement innovantes seraient mobilisées, comme une taxe internationale sur les transactions financières, sur les échanges de devises, sur les actions et obligations : selon le Plan, avec un taux de 0,01%, cette dernière pourrait dégager quelque 20 milliards de dollars par an. Le Plan plaide aussi en faveur de la proposition mexicaine, qui soutient une contribution financière universelle, versée par tous les pays, en proportion de leurs émissions passées et présentes et en fonction de leur part de PIB. D'autres pistes sont envisagées, comme une taxe maritime, qui pourrait procurer jusqu'à 20 milliards de dollars par an, ou la taxe carbone universelle, soutenue par la Suisse, qui apporterait plus de 18 milliards de dollars par an. Quant à la taxe sur le baril de pétrole, elle pourrait générer plus de 20 milliards de dollars par an sur une base d'un dollar par baril (soit 0,3 cents le litre).
La justice climatique passe aussi par une évaluation des émissions per capita. Les pays dont les émissions individuelles ne dépassent pas deux tonnes doivent faire l'objet d'un soutien international qui les aide à accéder aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique, à hauteur de 80 milliards de dollars.
Quant aux pays « émergents », dont le niveau d'émissions par individu a dépassé les deux tonnes, leurs plans nationaux d'action et de mesures pour le climat (NAMAs) devront viser à un découplage à court terme entre croissance et émissions de carbone, en vue d'un pic en 2030 et seront pour partie financés par des ressources nationales et par les marchés carbone, selon le Plan Borloo. Les pays industrialisés, eux, devront accepter des objectifs contraignants, dans le prolongement de Kyoto, et ceux qui ne l'ont pas encore ratifié, les Etats-Unis pour ne pas les nommer, devront faire de même.
L'enjeu de ce pacte est de restaurer la confiance, d'où, selon le Plan Justice Climat, le caractère vital de mécanismes collectifs « et de l'établissement d'un système commun de mesure, de reporting et de vérification (MRV) ». Ce système de MRV est la clé de voûte de la crédibilité du processus. Tous les pays devront accepter de se soumettre tous les cinq ans à une révision des objectifs d'émission en fonction des évolutions de la science, et faire un état des lieux afin de valider l'efficacité des mesures engagées et de réévaluer les objectifs fixés. La première de ces révisions et évaluations aura lieu en 2016, soit au plus tard deux ans après la publication du rapport du GIEC de 2014. Tous les pays devront par ailleurs accepter de se soumettre à des inventaires de leurs émissions sous l'égide de la Convention Climat, et, à plus long terme, suggère le Plan justice Climat, sous le régime d'une future Organisation mondiale de l'environnement.
Comme les procédures seront harmonisées au niveau international, le syndrome du passager clandestin sera rendu impossible, et la confiance restaurée. Il y va de la justice climatique : un système transparent et équitable, qui annule la suspicion et la défiance.
Le Plan Borloo remet ainsi sur la sellette le projet d'Organisation mondiale de l'environnement (OME), qui serait l'aboutissement élargi d'un comité d'évaluation et de suivi des engagements ayant vocation à fonctionner dès 2010. Au-delà de ce premier comité, l'OME rassemblerait toutes les institutions existantes, assurerait la mise en œuvre du futur accord international, et prendrait part aux organes de gouvernance internationale, y compris financiers et commerciaux, OMC inclus.
Au total, le Plan Justice Climat se monterait à 490 milliards de dollars, et pourrait être abondé par diverses sources financières innovantes.
Du côté de Bercy, on s'émeut de l'audace du ministre de l'écologie et on ne croit pas à une taxe sur les transactions financières, qui, selon un expert du ministère des finances, « serait inefficace, car une taxe affectée ne coïncide pas avec son montant ». Mais la solution ne semble pas être non plus du côté de la main invisible des marchés carbone. Les arbitrages trancheront.